*{Banque des Règlements Internationaux, 48e Rapport Annuel, Bâle, 1995, 
pp.3-13, 170-177.} 
*{ pagination originale du document: p.3}
 
1. LA SITUATION DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 

L'idée directrice qui apparaît tout au long du présent Rapport est que 
l'évolution de la conjoncture internationale au cours de l'année 
écoulée a été soumise à l'influence conjuguée de trois facteurs 
dépressifs: déséquilibre pétrolier global, déséquilibre des paiements 
internationaux au sein du groupe des pays industrialisés consommateurs 
de pétrole et persistance des perturbations inflationnistes héritées de 
la fin des années soixante et du début de la présente décennie. Tous 
ces facteurs ont exercé une influence restrictive sur les politiques 
économiques, tandis que le climat d'incertitude qu'ils ont engendré a 
pesé sur les décisions des chefs d'entreprise, voire sur le 
comportement des consommateurs. Il en est résulté un nouveau 
ralentissement de l'expansion du commerce et de la production dans le 
monde. Il apparaît en outre tout à fait possible que, dans certains 
grands pays industrialisés, l'essoufflement actuel de la croissance 
soit dû à d'autres facteurs, de nature plus structurelle; toutefois, en 
raison de la faiblesse de l'économie mondiale, il est malaisé de les 
identifier et, partant, de concevoir les thérapeutiques appropriées. 

Si l'on considère que l'excédent pétrolier global s'est en fait 
contracté et que maints pays sont parvenus à améliorer la situation de 
leur balance des paiements et à -réduire l'inflation, ce diagnostic sur 
l'état de santé actuel de l'économie mondiale peut sembler quelque peu 
paradoxal. Une analyse plus fouillée infirme cependant une telle 
impression. En effet, il existe une interaction entre la contraction de 
l'excédent pétrolier, l'amélioration de la situation des balances de 
paiements clé beaucoup de pays, la modération de l'inflation et la 
médiocrité de la croissance dans tous les grands pays, à l'exception 
des États-unis. D'une part, alors que les déficits extérieurs, 
effectifs ou potentiels, ont entravé l'expansion dans un certain nombre 
de pays, la persistance de la hausse des coûts de production et le 
souvenir des récents excès inflationnistes ont exercé un effet de 
freinage sur le développement de la demande interne de tous les pays - 
y compris ceux qui ont enregistré des excédents de paiements courants. 
D'autre part, le ralentissement de la croissance qui en est résulté a 
aidé à comprimer l'excédent pétrolier global, en même temps qu'il 
permettait a de nombreux pays d'opérer un ajustement efficace de leur 
balance des paiements et contribuait à faire baisser les taux d'inflation. 
Mais que se passerait-il si l'économie mondiale venait à retrouver Lin 
rythme de croissance plus soutenue et titi niveau de l'emploi plus 
élevé ? 

Contraintes exercées par sur l'expansion interne. 

En ce qui concerne, tout d'abord, la question des les balances de 
paiements, on ne peut manquer d'être frappé par le nombre de pays dont 
la politique économique récente a été dominée par le désir de réaliser 
un ajustement - et les résultats obtenus à cet égard ne sont pas moins 
spectaculaires. Ces pays peuvent être répartis en quatre groupes. En 
premier lieu, les trois grands pays déficitaires européens du Groupe 
des Dix, dont le solde négatif global des paiements courants était de $11 
milliards en 1976, ont connu une situation pratiquement équilibrée sur 


l'ensemble de l'année 1977, et ont même dégagé un excédent au second 
semestre. Par ailleurs, quatre autres pays développés ont réussi à 
ramener le déficit cumulé de leurs balances courantes de $8,5 milliards 
en 1976 à $2 milliards en 1977. 
*{ pagination originale du document: p.4}
 
En outre, au cours de la même période, le solde déficitaire combiné de 
neuf pays en voie de développement taux de croissance élevé a fléchi de 
$11 milliards à $6,5 milliards; cette amélioration apparaîtrait encore 
plus spectaculaire si l'on prenait comme référence les déficits bien 
plus lourds observés en 1974 et en 1975. Enfin, le déficit des échanges 
commerciaux des pays socialistes d'Europe de l'Est s'est contracté, 
passant de $7 milliards à $3 milliards. Le redressement des positions 
extérieures de ces quatre groupes de pays se chiffre ainsi au total à 
plus de $24 milliards. 

Hormis le cas d'un petit nombre de pays qui ont bénéficié d'un 
relèvement des prix à l'exportation, ces succès remportés dans l'ajustement 
des comptes extérieurs ont été obtenus par le biais d'une gestion 
restrictive de la demande. La vigueur de cette politique économique et 
le dosage de ses divers éléments ont varié d'un pays à l'autre, mais 
les autorités ont en général recouru à des mesures de caractère 
monétaire et budgétaire et, dans certains cas, à une politique des 
revenus. 

Il est intéressant de noter que les gouvernements n'ont pas tous été 
contraints (et peut-être même pas la majorité d'entre eux) d'effectuer 
ces ajustements par manque de capitaux pour financer leur balance des 
paiements. L'offre de fonds par le canal du système bancaire 
international est demeurée abondante, et bon nombre de pays de ces 
groupes auraient pu différer l'ajustement de leurs comptes extérieurs 
ou l'étaler sur une période plus longue. 
*{ pagination originale du document: p.5}
 
Le fait qu'ils n'ont pas agi de la sorte donne à penser que leur souci 
majeur était de lutter contre l'inflation interne et d'éviter de 
contracter un endettement extérieur par trop pesant, susceptible de 
leur poser des problèmes de financement à plus long terme. Les 
autorités ont préféré réagir sur le champ aux contraintes imposées par 
les déséquilibres intérieurs et extérieurs plutôt que d'attendre que 
des difficultés de financement ne surgissent. 

Autre fait frappant: les positions extérieures se sont révélées très 
sensibles aux variations de la demande interne. La demande de produits 
importés a fait preuve d'une très grande élasticité par rapport au 
revenu, même dans les économies où le taux de change réel ne s'est pas 
déprécié. Ce phénomène s'est traduit en pratique par une forte 
impulsion déflationniste qui s'est diffusée au reste du monde sous la 
forme d'un tassement, voire d'un fléchissement en valeur absolue, du 
volume des importations. Dans certains cas, les exportations ont 
également enregistré des résultats supérieurs à la moyenne. 

Ce sens des responsabilités dont ont fait preuve maints pays 
déficitaires constitue une évolution encourageante. La satisfaction 
aurait pu être encore plus grande si l'influence dépressive que ces 
attitudes ont exercée sur les échanges mondiaux avait été compensée de 
façon adéquate par des forces expansionnistes émanant d'autres sources. 
Mais il n'en a rien été. L'excédent pétrolier global a reculé, mais 


dans une proportion insuffisante; l'excédent courant cumulé des pays 
industrialisés à monnaie forte s'est même accru; enfin, l'incidence 
compensatrice la plus forte a été fournie, soit par des pays développés 
moins importants ou des pays en voie de développement, qui n'étaient 
guère en mesure de jouer un rôle de "locomotive ", soit par les 
États-unis, où l'accroissement rapide du déficit courant a créé autant 
de problèmes qu'il a contribué à en résoudre. 

Absence de toute stimulation nette de la part des pays excédentaires. 

Le groupe constitué par l'ensemble des pays excédentaires "traditionnels" 
- exportateurs de pétrole, Allemagne fédérale, Suisse et ' lapon - n'a 
pas exercé de stimulation nette sur l'activité économique dans le reste 
du monde. En effet, l'excédent global de leurs transactions courantes 
s'est très faiblement accru, passant de $51 milliards en 1976 à $52,5 
milliards en 1977. 

Considérons tout d'abord les pays exportateurs de pétrole; on constate, 
certes, que l'excédent global de leurs transactions courantes est 
revenu de $40 milliards en 1976 à $34 milliards en 1977 et l'examen des 
chiffres trimestriels révèle l'existence d'une tendance à la baisse 
tout au long de l'année dernière. Aussi est-il fort possible qu'en 1978 
le surplus n'atteigne en définitive qu'un tiers du maximum enregistré 
en 1974. Nul doute que ce fléchissement ne soit dû à un effort 
véritable et important d'adaptation au relèvement du prix du pétrole de 
fin 1973. L'ajustement s'est opéré de trois façons: réduction de la 
consommation de pétrole par unité de produit national brut dans 
beaucoup de grands pays industriels, davantage par le recours à d'autres 
sources que par une compression des dépenses énergétiques globales; 
diminution du prix réel du pétrole depuis 1974; enfin, absorption 
notable par les producteurs de pétrole e biens et de services importés. 
*{ pagination originale du document: p.6}
 
Cette évolution rassurante masque cependant deux faits oui ne laissent 
d'inquiéter. D'abord le taux, d'expansion du volume des achats à l'étranger 
des pays exportateurs de pétrole ne cesse de se ralentir: très élevé en 
1975, avec plus de 40%, ce taux est tombé à moins de 25% en l976 et 
probablement aux alentours de l5% en 1977. Cette tendance au 
fléchissement illustre, d'une part, les difficultés rencontrées par les 
pays "à faible capacité d'absorption " sur le plan social et technique 
ainsi qu'au niveau de l'organisation pour soutenir une forte 
progression des importations; elle reflète, d'autre part, le désir des 
pays "à forte capacité d'absorption" de maintenir le rythme d'expansion 
de leur économie à l'intérieur de limites supportables et moins 
inflationnistes, ainsi que la préoccupation suscitée chez certains d'entre 
eux par la détérioration de leur position extérieure. Le second fait 
est que, en dépit de la stagnation de l'activité économique mondiale, 
la valeur des exportations de pétrole a augmenté d'environ 10%; à noter 
toutefois due cette amélioration est due presque exclusivement à la 
hausse des prix du brut plutôt qu'à un accroissement sensible du volume 
des ventes. 

Si 'l'on tient compte de ces deux faits, rien n'interdit de penser que, 
dans l'hypothèse d'une croissance plus satisfaisante de l'économie 
mondiale, l'excédent pétrolier pourrait fort bien s'accroître à nouveau 
- perspective qui, en soi, rend cette hypothèse peu probable. Seules 
des économies de pétrole supplémentaires pourraient permettre de sortir 
de ce dilemme. Les pays industriels qui ont déjà obtenu de bons 
résultats dans la réduction de leur consommation de pétrole seront-ils 


capables de poursuivre dans cette voie? D'autre part, les États-unis - 
qui, parmi les grands pays industriels, ont le moins bien réussi à 
réduire de façon substantielle la consommation de pétrole par unité de 
produit national brut - seront-ils en mesure de suivre l'exemple des 
autres pays ? 

Tout aussi inquiétante est la persistance tenace d'excédents courants 
en République fédérale d'Allemagne et en Suisse et, davantage encore, 
l'accroissement de l'excédent des transactions courantes du japon, qui 
est passé de $3,7 milliards en 1976 à $11 milliards en 1977. En termes 
réels, les importations de biens et de services de l'Allemagne ont 
progressé de 4,2% d'une année -a l'autre, c'est-à-dire au même rythme 
que les exportations. L'incidence de l'évolution des échanges 
commerciaux allemands sur le reste du monde a donc été neutre: elle n'a 
ni accentué, ni compensé, l'impact des éléments dépressifs émanant d'autres 
sources. 
*{ pagination originale du document: p.7}
 
En revanche, le volume des importations japonaises de biens et de 
services n'a augmenté que de 2%, alors que les ventes à l'étranger se 
sont développées à raison de 10,4%. Le japon a donc exercé un effet de 
contraction net sur l'activité mondiale; cette constatation vaut non 
seulement pour l'année dernière, mais aussi pour l'ensemble de la 
période 1974-77, tandis que l'effet net de l'évolution en Allemagne 
fédérale, dans cette perspective à plus long terme, a été 
expansionniste. 

La persistance d'excédents courants en Allemagne et en Suisse et la 
forte augmentation du surplus japonais sont d'autant plus étonnantes 
que ces trois pays ont connu une vive appréciation du cours de change 
effectif de leur monnaie. Si, dans chaque cas, cette valorisation s'est 
produite en grande partie tout récemment - entre septembre 1977 et fin 
mars 1978 - c'est beaucoup plus tôt que les cours de change effectifs 
du deutsche mark et du franc suisse ont commencé à se raffermir très 
sensiblement. Pour plusieurs raisons, l'appréciation du cours de change 
n'a apparemment guère modifié la situation des transactions courantes 
de ces pays. Les fortes hausses récentes des taux de change ont 
probablement exercé un vigoureux effet pervers (courbe en J); de plus, 
l'exécution de certaines transactions a sans doute été avancée du fait 
d'anticipations concernant les marchés des changes. Sur une période 
plus longue, les résultats supérieurs à la moyenne obtenus par l'Allemagne 
et la Suisse dans leur lutte contre l'inflation signifient que les taux 
de change réels de leur monnaie ont augmenté beaucoup moins que les 
taux nominaux - voire qu'ils n'ont pas progressé du tout pendant 
certaines périodes. Enfin, la demande interne est demeurée constamment 
atone l'année dernière en Allemagne et au Japon. Ce facteur, générateur 
l'excédents, s'est révélé aussi actif dans les pays à monnaie forte que 
l'incidence exercée dans les autres pays par des politiques 
restreignant délibérément la demande. 

Influence dépressive de l'inflation et des problèmes structurels. 

Les raisons de l'insuffisance du développement de la demande interne 
dans les pays (lui, précisément, n'étaient pas contraints d'adopter des 
politiques restrictives pour des raisons externes il s'agit surtout, 
mais pas exclusivement, du japon et de l'Allemagne -- sont assez 
complexes. L'explication la plus plausible est fournie Par l'effet de 
freinage qu'exercent sur la dépense globale l'expérience de l'inflation 
passée et la crainte de son retour. Il n'est pour s'en convaincre que 


d'examiner le comportement tant des entreprises que des pouvoirs 
publics. 

Si le redressement de l'activité économique n'a pu se poursuivre sur sa 
lancée, l'une des principales raisons en est que l'investissement du 
secteur privé n'a pas réagi Comme il convenait au mouvement de reprise 
conjoncturelle. Selon toute probabilité, l'attitude prudente des 
milieux industriels a été motivée non seulement par l'existence de 
capacités de production excédentaires, mais également par le souvenir 
de la surchauffe inflationniste du début des années soixante-dix, au 
terme de laquelle les profits ont été écrasés sous l'effet de l'alourdissement 
des coûts de la main-d'ouvre, des matières premières, de l'énergie et 
du financement, ainsi que par l'effondrement des marchés. Des 
événements plus récents ont apparemment justifié cette circonspection 
puisque les profits ont de nouveau été laminés par la hausse des coûts 
unitaires de main-d'ouvre et l'appréciation des monnaies. 
*{ pagination originale du document: p.8}
 
Quant au secteur public, son effet expansionniste sur la demande 
globale a bien souvent diminué, et cela pour plusieurs motifs: effet 
automatique de l'inflation sur la pression fiscale; réticence à 
accroître les dépenses publiques, dont la part dans l'économie était 
déjà jugée excessive; volonté, de la part des gouvernements, de 
respecter leur engagement de limiter ou de réduire le déficit du 
secteur public, que l'opinion, avertie par les expériences antérieures, 
en est venue à associer au risque de voir resurgir l'inflation. Ou plus 
simplement, disons que le niveau fort élevé des dépenses et des 
déficits du secteur public a limité les possibilités d'intensifier les 
politiques budgétaires expansionnistes, alors que le souvenir d'un taux 
d'inflation à deux chiffres était encore bien présent dans les mémoires. 

Au premier abord, les raisons de cette préoccupation constante que 
suscite l'inflation peuvent paraître difficiles à comprendre. La hausse 
des prix ne s'est-elle pas ralentie dans un grand nombre de pays, tant 
développés qu'en voie de développement Le fait n'est certes pas 
contestable. -mais il est tout aussi certain que les circonstances qui 
semblent avoir été à l'origine de ce ralentissement peuvent n'être que 
passagères ou ne pas jouer en faveur de tous les pays en même temps. En 
fait, un examen plus attentif révèle clairement que les taux d'inflation 
n'ont reculé qu'en présence de deux types de situations - ou d'une 
heureuse combinaison des deux. Ce recul a eu lieu dans les pays qui ont 
maintenu, par l'application de politiques délibérément restrictives, 
une importante marge de capacités inutilisées dans leur économie. Il s'est 
également produit là où le taux de change effectif s'est apprécié - 
soit parce que les efforts d'ajustement plus récents de l'économie 
interne ont été couronnés de succès, soit parce qu'il existe une 
tradition plus ancienne de politique anti-inflationniste. 

Il est frappant - et en même temps inquiétant - de constater que le 
seul pays qui ait rétabli une situation de quasi-stabilité de ses prix 
de détail, à savoir la Suisse, n'y, est parvenu qu'au moyen d'une 
appréciation effective de plus d'un tiers de sa monnaie au cours des 
trois dernières années et parce que le niveau actuel du volume de 
production reste bien inférieur au maximum atteint avant la récession. 
Sans la rigidité excessive à la baisse des prix de détail, ces deux 
facteurs réunis auraient engendré une baisse effective des prix. L'Allemagne 
constitue un cas du même genre: le rythme de hausse des prix de détail 
s'y maintient toujours aux environs de 3%, malgré l'appréciation de 25%, 
entre la fin de 1975 et les derniers jours de mars 1978, du taux de 


change effectif du deutsche mark et une décélération de la croissance 
en 1977, qui a porté le chômage à un niveau élevé pour la période de l'après-guerre. 
À l'opposé, l'expérience des États-unis illustre parfaitement l'inquiétude 
que suscite l'inflation dans l'opinion publique. Parmi les grands pays 
industriels, seuls les États-unis sont parvenus à maintenir un taux d'expansion 
satisfaisant de l'activité économique au cours de l'année passée; or, 
parallèlement, le taux de change effectif du dollar s'est déprécié, 
cependant que le rythme de l'inflation interne s'accélérait quelque peu. 
On peut, semble-t-il, en conclure que, même si elles sont masquées par 
la présente "récession de croissance" ou par l'appréciation des taux de 
change, l'inflation et les anticipations inflationnistes restent très 
vivaces dans les pays industriels du monde occidental - et à plus forte 
raison, d'ailleurs, dans de nombreux pays en vole de développement. 
Bien que ce phénomène ne soit généralement pas la conséquence d'une 
demande excessive, mais reflète plutôt la persistance de la spirale des 
coûts et des prix, il n'en continue Pas moins de peser sur les 
décisions des secteurs public et privé en matière, de dépenses. 
*{ pagination originale du document: p.9}
 
Certains signes indiquent toutefois que l'inflation, ou la crainte de 
l'accentuer, n'est peut-être pas la seule cause du ralentissement de la 
croissance économique dans certains grands pays industriels. Il est 
possible que, indépendamment de la faiblesse de la demande à l'échelle 
mondiale, cette croissance ait subi une rupture de tendance à long 
terme. Nombre de raisons militent en faveur de cette hypothèse. La part 
du profit dans le revenu national s'est réduite, et, dans plusieurs 
pays, ce mouvement de recul a commencé avant la récession. Le volume 
des dépenses en capital fixe n'augmente plus depuis plusieurs années. 
D'importantes capacités excédentaires sont apparues dans certaines 
branches d'activité - sidérurgie, construction navale, industrie 
textile, fibres artificielles, certaines industries pétrochimiques de 
base, etc. - soit en raison des phases d'expansion synchronisée des 
investissements survenues précédemment, soit en raison des succès 
remportés en matière d'industrialisation par un certain nombre de pays 
en voie de développement. Même les innovations dans le domaine 
technologique, qui s'orientent maintenant vers l'automatisation et les 
économies de main-d'ouvre, semblent d'une tout autre nature que celles 
qui conduisirent, dans le passé, à l'essor des investissements dans les 
industries électrique, automobile ou pétrochimique. De telles 
inadaptations donnent à penser que, après plusieurs décennies de 
croissance rapide pratiquement ininterrompue, on risque fort de se 
trouver en présence d'un ralentissement du type mis en évidence dans le 
"cycle de Kondratieff ". Étant donné toutefois le degré de sous-emploi 
de l'économie mondiale, il est excessivement difficile de juger si ces 
développements revêtent un caractère vraiment structurel. A l'évidence, 
certains d'entre eux sont simplement attribuables au fait que l'économie 
mondiale, particulièrement dans les pays industrialisés du monde 
occidental, fonctionne nettement en deçà du taux optimal d'utilisation 
de ses capacités; des problèmes essentiellement conjoncturels peuvent 
facilement passer pour structurels en pareille circonstance. Mais tant 
de signes laissent présumer l'existence de déséquilibres réellement 
fondamentaux que les responsables de la politique seraient mal avisés 
de ne pas en tenir compte et de s'efforcer de retrouver des taux de 
croissance comparables à ceux des années soixante. 

Une série de problèmes structurels d'une nature particulière semblent 
se poser à l'Allemagne et au Japon, où la croissance a constamment été 
induite par les exportations depuis le début des années cinquante; 
aussi les investissements industriels dans ces deux pays sont-ils 


étroitement tributaires des perspectives d'exportation. Sous l'effet 
conjugué de la décélération du taux d'accroissement des échanges 
mondiaux, de l'application de politiques restrictives de la demande par 
nombre de leurs clients traditionnels, de l'apparition du 
protectionnisme ainsi que du l'appréciation de leur monnaie, la reprise 
des investissements industriels dans ces deux pays s'est trouvée 
entravée. [,',adoption d'un nouveau type de croissance, fondée sur l'expansion 
de la demande interne, nécessite inévitablement beaucoup de temps. 

Facteurs d'expansion. 

Un certain nombre de pays ont sans conteste exercé une influence 
expansionniste sur l'économie mondiale 1 1 année dernière. Parmi les 
pays développés extérieurs au Groupe des Dix, cinq ont enregistré un 
accroissement de leur déficit global des paiements courants, qui est 
passé de $8,5 milliards en 19-0 à $15,8 milliards en 1977 ; de même, 
les pays en -voie de développement non producteurs de pétrole qui ne 
figurent pas dans le tableau de la page 4 ont vu également leur déficit 
courant s'accroître très légèrement. 
*{ pagination originale du document: p.10}
 
Le principal élément de soutien de l'activité, l'année dernière, a 
toutefois été fourni par les États-unis, qui ont été les seuls parmi 
les grands pays développés à connaître un rythme d'expansion assez 
rapide, voisin de celui qui caractérise une reprise conjoncturelle 
classique. Cette évolution s'est accompagnée d'une élévation sensible 
du niveau de l'emploi et d'une réduction appréciable du chômage, 
cependant que la vive progression des bénéfices a permis d'obtenir une 
expansion satisfaisante des investissements. De ce fait, les 
importations américaines de biens et de services se sont accrues en 
l977 de 10,3% en valeur réelle par rapport à 1976, alors que les 
exportations ont Progressé de moins de 2%. Aussi la balance des 
paiements courants s'est-elle considérablement détériorée: de $l,4 
milliards en 1976, le déficit est monté à $20,2 milliards en 1977. 
Entre 1975 et 1977, la dégradation de la balance américaine des 
paiements courants est encore plus prononcée puisqu'elle s'élève à $31,8 
milliards. 

Pour deux raisons, cependant, l'incidence positive des États-unis sur 
La conjoncture internationale n'a peut-être pas été aussi forte que le 
laisseraient supposer ces chiffres globaux très élevés. 

La première, qui a déjà été mentionnée dans les commentaires sur la 
consommation de pétrole par unité de produit national brut, est que l'accroissement 
des importations américaines de biens et de services est dû, pour une 
large part, à une forte progression des achats de pétrole. Ce type de 
transactions lie pouvait guère relancer l'activité économique mondiale, 
puisque la capacité d'importation de la plupart des pays producteurs de 
pétrole se trouvait d'ores et déjà limitée pour des motifs qui ne sont 
pas liés aux recettes qu'ils tirent à présent des exportations. Au 
contraire, la forte demande américaine de pétrole peut avoir contribué 
au relèvement du prix de ce produit l'an passé et aggravé ainsi de 
manière indirecte les déficits pétroliers des autres pays importateurs 
de pétrole. 

La seconde restriction tient aux effets perturbateurs exercés sur les 
taux de change par le déficit considérable de la balance américaine des 
paiements courants. Certes, la dépréciation du dollar et l'appréciation 
des devises fortes ont été engendrées à la fois par le déficit 


américain et par les excédents des pays à monnaie forte, et ces deux 
évolutions ne peuvent donc pas être imputées en toute logique à un seul 
déséquilibre; mais il est possible que le déficit américain ait 
accentué l'appréciation effective des monnaies fortes par le biais des 
sorties autonomes de capitaux des États-unis en 19777 et pendant les 
premiers mois de 1978, qui sont venues renforcer l'incidence de la 
balance des paiements courants sur les taux de change. L'afflux 
correspond3nt de fonds spéculatifs en Allemagne, en Suisse et au japon 
a vraisemblablement porté le cours de ces monnaies au-delà du niveau 
qu'elles auraient atteint en tout état de cause, sous l'effet de leurs 
propres excédents, si les déficits enregistrés en contrepartie avaient 
été répartis de façon plus uniforme dans le reste du monde. Étant donné 
que les industries allemande et japonaise sont, comme indiqué 
précédemment, structurellement tournées vers l'exportation, cette 
revalorisation supplémentaire du deutsche mark - et du yen a encore 
dissuadé un peu plus les entreprises industrielles de ces deux pays de 
réaliser des investissements sur place et peut avoir retardé davantage 
la reprise tant espérée dans leurs économies nationales. 
*{ pagination originale du document: p.11}
 
Enfin, le climat d'incertitude créé par les fluctuations prononcées des 
monnaies a certainement eu pour effet de freiner la croissance, non 
seulement dans les pays dont la monnaie s'appréciait, mais également à 
l'échelle mondiale. 

Asymétrie du processus d'ajustement. 

En résumé, ce rapide tour d'horizon montre que les politiques d'ajustement 
appliquées l'an passé ont en définitive exercé un effet dépressif net 
sur l'activité économique dans le monde, et ce pour deux raisons 
évidentes. En premier lieu, le déséquilibre pétrolier, même s'il se 
réduit, n'a pas disparu: la somme des déficits courants a donc été plus 
élevée que le total des excédents ajustables. En second lieu, la 
demande interne ne s'est pas développée de façon suffisamment dynamique 
dans les pays excédentaires, parce que l'accroissement des dépenses 
publiques et privées a été entravé par le souvenir des périodes d'inflation, 
la hausse actuelle des coûts et des prix ou des distorsions 
structurelles. 
*{ pagination originale du document: p.13}
 
Un grand nombre de pays importants, tant industrialisés qu'en 
développement, sont parvenus à redresser la situation de leurs comptes 
extérieurs et sont maintenant en mesure d'assouplir l'orientation 
restrictive de leur politique économique. Leur tâche en sera d'autant 
facilitée qu'ils ont réussi, pour la plupart, à reconstituer leurs 
réserves extérieures et que les marchés internationaux des capitaux et 
du crédit demeurent liquides. Les chiffres relatifs aux variations de 
la consommation de pétrole par unité de produit national brut indiquent 
saris conteste que, sous une forme ou sous une autre, un ajustement 
réel à la hausse du prix du pétrole a déjà eu lieu, ce qui donne à 
penser que de nouveaux progrès pourront être réalisés. Bien entendu, 
ces espoirs reposent en grande partie sur l'hypothèse que les 
responsables des politiques économiques sauront faire face aux tâches 
décisives qui les attendent: coordonner efficacement leurs actions en 
vue d'inverser le sens des forces dépressives qui influencent l'économie 
mondiale. Certains de ces problèmes de politique économique sont 
examinés dans la conclusion du présent Rapport. 


*{ pagination originale du document: p.170}
 
CONCLUSION. 

L'affaiblissement de l'activité économique dans le monde au cours de l'année 
écoulée a généralement surpris les observateurs. Existe-t-il un risque 
de voir l'évolution du commerce et (Je la production se poursuivre à un 
rythme aussi peu satisfaisant. Comment, dans ce cas, intervenir sans 
attiser l'inflation ? 

À l'évidence, un certain nombre de facteurs dépressifs influencent 
toujours l'économique mondiale. Ce sont les mêmes qui, l'an dernier, on 
fait pencher la balance vers un ralentissement du la croissance, Tout 
au moins hors des États-unis: l'excédent pétrolier, en diminution 
certes, mais toujours élevé; les déséquilibres des paiements entre les 
industriels avec, pour corollaire, les remous sur les marchés des 
changes; l'inflation persistante des coûts et des prix; enfin, des 
problèmes structurels dans certains pays industrialisés hautement 
développés dont l'activité est tournée vers l'exportation. 

En revanche, les forces qui pourraient relancer l'expansion semblent s'être 
raffermies. De nombreux pays, tant en Europe occidentale que parmi les 
nations en voie de développement, sont parvenus redresser sensiblement 
leur balance des paiements et t renforcer leurs réserves extérieures. 
Aucun indice de raréfaction des ressources destinées au financement des 
balances de paiements ne se manifeste. Au Japon et en Allemagne, on 
prend de plus en plus conscience de l'importance que revêt une 
croissance saine et soutenue de la demande interne, tant pour leur 
propre économie qu'à l'égard du reste du monde. Et l'on s'attend, aux 
États-unis à une poursuite de l'expansion, à un r1thme probablement 
ralenti, il est vrai. 

Il est donc peu vraisemblable, tout compte fait, que les influences 
dépressives Se révèlent suffisamment fortes pour plonger l'économie 
mondiale davantage dans la récession. Mais il semble tout aussi 
improbable que l'activité économique puisse retrouver un r7thme de 
croissance satisfaisant si elle ne bénéc1e pas d'une nouvelle dose de 
stimulants, qui devraient lui être administrés en tenant dûment compte 
des déséquilibres relatifs des paiements et de la nécessité de 
poursuivre la lutte contre l'inflation. Si aucun changement n'intervient 
dans les politiques suivies présentement, il a de fortes chances que l'activité 
économique et le commerce mondial continuent de se développer à une 
allure fort réduite. 

Bien qu'un tel développement puisse difficilement être qualifié de 
crise mondiale, ou être comparé à la dépression des années trente, il 
comporterait certaines implications lourdes de conséquences aussi bien 
pour le monde industrialisé que pour les pays en voie de développement. 

L'une d'elles serait, sans conteste, la persistance généralisée de taux 
de chômage élevés, surtout si, par suite des hausses continues de 
Salaires réels, les politiques d'investissement restaient fortement 
orientées vers des économies de main-d'ouvre. En pareil cas, les 
progrès de la productivité du travail pourraient égaler, voire dépasser, 
ceux de la production. 

En second lieu, le processus normal de transfert permanent des 
ressources productives - facteur entreprise, main-d'ouvre et capital - 
des secteurs en perte de vitesse vers les activités en expansion, bien 
loin de s'accélérer, risquerait en fait de se ralentir. 


*{ pagination originale du document: p.171}
 
En effet, pour des raisons complémentaires, la stagnation de l'activité 
économique rendrait difficile la recherche d'une solution aux problèmes 
structurels, en ce qui concerne en particulier les problèmes nés des 
progrès de l'industrialisation dans certains pays en voie de 
développement. La première de ces raisons est que, dans une économi. e 
à croissance ralentie, il est malaisé de mesurer la part des capacités 
excédentaires résultant des modifications permanentes des avantages 
comparés et la part due simplement à la quasi-stagnation de l'activité. 
Aussi les pouvoirs publics seraient-ils davantage tentés d'accorder une 
protection douanière et une assistance financière, non seulement aux 
activités dont la "retraite anticipée " mérite d'être réalisée de 
manière ordonnée, mais également à certaines industries de croissance 
véritable, qui devraient pouvoir se tirer d'affaire toutes seules, La 
seconde raison est que maints chefs d'entreprise, paralysés par les 
incertitudes générales qui accompagnent une croissance indécise, 
hésiteraient à investir massivement dans des secteurs dont l'avenir 
pourrait être prometteur. Les changements de structure souhaitables 
seraient ainsi différés. De la main-d'ouvre et du capital se 
trouveraient immobilisés dans les entreprises en déclin qui réalisent 
des investissements défensifs sous le couvert d'un protectionnisme 
envahissant, sans qu'en compensation une évolution suffisamment 
dynamique se produise par ailleurs. 

En troisième lieu, Il faut probablement se rendre à l'évidence qu'une 
économie en semi-stagnation n'apporterait guère de contribution 
efficace à la lutte contre la spirale des coûts et des prix. Certes, le 
maintien de capacités excédentaires et la persistance du chômage 
éviteraient la résur1gerice de l'inflation par la demande. Il. est tout 
aussi vrai que, comme le souvenir de périodes prolongées de suremploi 
et d'inflation virulente demeure bien présent dans les esprits, ce 
serait une erreur de vouloir parvenir à un degré d'utilisation des 
ressources comparable à celui de l'âge d'or des années soixante. Mais 
on peut également penser que, après avoir recueilli les fruits de 
plusieurs décennies de croissance rapide et régulière, les agents 
économiques ne se contenteront vraisemblablement pas de menus 
accroissements de leurs revenus réels eu moins encore une stagnation de 
leurs gains. Des groupes de pressions efforceraient de s'approprier une 
part sans cesse plus importante d'un gâteau qui aurait cessé de s'agrandir. 
Il pourrait en résulter une pression continue à la hausse sur les 
salaires, les coûts et les prix; devant la persistance du chômage, les 
pouvoirs publics auraient alors fort à faire pour ne pas entériner ce 
mouvement. Les gouvernements n'auraient-ils pas plus de chances de 
freiner l'inflation, voire de la réduire, s'ils s'attachaient à 
satisfaire le désir d'amélioration du niveau de vie à un rythme 
acceptable de croissance réelle ? 

Enfin, la stagnation de la production dans le monde industrialisé 
aurait immanquablement des répercussions néfastes sur les pays en voie 
de développement. Au sein de ce groupe, ceux qui sont le plus 
lourdement endettés et oui ont réussi à ramener leur déficit des 
paiements courants à un niveau supportable risqueraient d'assister à l'anéantissement 
de ces efforts, tandis que les autres verraient leurs chances de 
développement économique sérieusement compromises. Cette évolution 
pourrait exercer à son tour des effets préjudiciables sur le monde 
occidental industrialisé, en général, et sur son système bancaire, 
fortement impliqué dans le financement des balances de paiements, en 
particulier. 


*{ pagination originale du document: p.172}
 
Sur le plan international, on peut donc en conclure qu'il serait erroné 
de se résigner a une perspective de croissance médiocre. Les 
conséquences que risque d'entraîner une quasi-stagnation sont 
suffisamment sérieuses pour justifier un effort concerté à l'échelle 
internationale, visant à ramener l'économie mondiale sur la voie d'une 
une expansion plus satisfaisante. À n'en pas douter, même en présence 
du plus heureux concours de circonstances favorables et de politiques 
avisées, les pays industrialisés du monde occidental seraient 
incapables de retrouver le rythme de progression qui fut le leur jusqu'en 
1973. La poursuite d'objectifs ambitieux en matière d'expansion serait 
vouée à l'échec par 1'ammenuisement du potentiel productif résultant de 
la faiblesse prolongée de l'investissement - pareil dessein serait en 
outre dangereux, car rien n'est Plus facile que de ranimer l'inflation 
induite par la demande. Mais il existe certainement une voie médiane 
entre la progression probablement très lente que laisse présumer l'évolution 
actuelle et les risques inhérents à des objectifs de croissance 
irréalistes. 

Les recommandations de politique économique qui s inspirent de l'analyse 
des facteurs dépressifs qui sont à l'origine du ralentissement actuel 
du développement du commerce et de la production dans le monde. 

Il s'agit tout d'abord de l'excédent pétrolier. Bien qu'il se soit 
contracté à un rythme très rapide durant l'année passée, la réduction 
obtenue n'est n'est pas entièrement le fruit d'un véritable ajustement; 
elle s'explique en partie par le rythme d'expansion trop lent de l'économie 
mondiale. en d'autres termes, faute d'un nouvel et important effort d'ajustement 
réel, toute reprise de l'activité économique se trouverait à nouveau 
contrecarrée par un accroissement du déséquilibre pétrolier. L'expérience 
a clairement montré que le recyclage de l'excédent, pour nécessaire qui 
soit, n'en demeure pas moins un palliatif; c'est le déséquilibre 
lui-même qui exerce une influence dépressive sur 1'.activité économique. 
La réalisation de l'une des conditions de l'ajustement réel - l'absorption 
de biens et de services par les pays producteurs de pétrole devra être 
étalée sur une période assez longue. La charge d'un nouvel effort clans 
ce domaine devra donc être supportée par les pays consommateurs de 
pétrole, qui n'ont guère d'autre choix que de réduire le montant total 
de leur facture pétrolière. Pour ce faire, point n'est besoin de 
recourir exclusivement à des mesures visant à diminuer la consommation 
énergétique globale; ce résultat peut en effet être obtenu en 
substituant d'autres formes d'énergie au pétrole, ou, dans certains 
pays, en développant la production pétrolière nationale. 

Le deuxième élément dépressif important est le déséquilibre des 
balances de Unis, paiements tu sein des pays industrialisés - plus 
spécialement entre les États-unis, d'une part, et le japon, l'Allemagne 
et la Suisse, de l'autre. Ce déséquilibre a engendré des modifications 
excessives des taux de change, qui ont accéléré la hausse des prix aux 
États-unis et mis en péril les investissements et la reprise dans les 
pays dont les monnaies s'appréciaient. Qui plus est, l'intensité de ces 
variations, ainsi que le dérèglement des marchés où elles se sont 
produites, ont porté un nouveau coup à la confiance des chefs d'entreprise., 
qui avait déjà été fortement ébranlée. 

La réduction de ce déséquilibre requiert des mesures d'ajustement, tant 
de la part des États-unis que des pays excédentaires. Ce serait 
toutefois manquer de réalisme et faire courir des risques à l'économie 
mondiale que de recommander aux États-unis de soumettre leur économie à 


une cure générale d'austérité et, inversement, de prôner pour l'Allemagne 
et le Japon une relance vigoureuse dans tous les secteurs de l'activité 
interne. 
*{ pagination originale du document: p.173}
 
Le caractère irréaliste d'une telle proposition tient au fait qu'aucun 
de ces pays rie paraît disposé à subordonner ses objectifs de politique 
intérieure à des considérations de balance des paiements: les 
États-unis ne freineront pas 'leur croissance s'ils n'y sont pas 
contraints pour des raisons impératives d'équilibre interne; de même l'Allemagne 
et le japon ne prendront pas de mesures de relance qui, à leurs yeux, 
risqueraient de raviver l'inflation. -mais semblable recommandation 
constituerait également un risque pour l'économie mondiale. Parmi les 
grands pays industriels, seuls les États-unis connaissent un régime 
satisfaisant de croissance spontanée, alors que le japon comme l'Allemagne 
ont toutes les peines du monde à amorcer un mouvement de reprise 
autonome de la demande interne. Cette divergence est illustrée de façon 
saisissante par le niveau comparativement beaucoup plus élevé du 
déficit du secteur public en Allemagne et au Japon qu'aux États-unis. 

L'enseignement pratique de ce qui précède est que, bien qu'une 
accélération de l'expansion interne dans les pays excédentaires soit à 
coup sûr la bienvenue, l'incertitude subsiste néanmoins quant à l'ampleur 
que revêtira en fait ce mouvement. Aussi longtemps que ce doute 
demeurera, le reste du monde rie désirera guère voir les États-unis s'efforcer 
de freiner la demande intérieure plus qu'il n'est vraiment nécessaire 
pour contenir l'évolution des prix et des salaires dans la phase 
actuelle d'une reprise conjoncturelle déjà bien avancée. Il importe 
donc d'autant plus que les États-unis s'efforcent avant tout de réduire 
leurs importations de pétrole. Qu'un tel résultat soit à la portée de 
l'économie américaine est clairement démontré par la forte diminution 
de la consommation de pétrole par unité, de produit national brut 
constatée dans certains autres grands pays industrialisés. 

Il n'en est pas moins certain qu'un redressement durable du commerce et 
de la production dans le monde ne peut erre réalisé que si certains 
autres pays reprennent progressivement le rôle de moteur de l'expansion 
assumé par l'économie américaine. En principe, la responsabilité d'une 
telle tache semblerait devoir incomber au premier chef au Japon et à l'Allemagne, 
puisque ces deux pays ont obtenu des résultats remarquables dans leur 
lutte contre l'inflation et qu'une stimulation de leur demande interne 
servirait au mieux les intérêts de l'équilibre international. Dans la 
pratique, cependant, aucun de ces deux pays ne réussira probablement à 
raffermir notablement la demande mondiale sans l'appui d'un certain 
nombre d'autres pays. De par la structure même des appareils productifs 
allemand et japonais, tournés vers l'exportation, il n'est guère 
possible, compte tenu de la stagnation de l'activité mondiale, d'obtenir 
à court terme une relance satisfaisante de la demande interne par le 
biais des investissements ; en s'engageant et il ne serait pas réaliste 
non plus d'escompter un ajustement suffisamment rapide s'en remettant 
uniquement aux investissements publics ou à la consommation des ménages. 
Par Conséquent, il y a peut-être lieu de relancer l'expansion 
intérieure, à un rythme plus modéré toutefois, dans d'autres pays 
également - là où les contraintes exercées par les balances de 
paiements ont été atténuées et où l'inflation a nettement régressé. 

Que faire pour stimuler la demande interne Bien qu'il soi r risqué de 
généraliser en matière de régulation de la demande, on peut néanmoins 
avancer deux propositions globales. La première doit être formulée en 


termes négatifs: la relance de l'expansion ne devrait pas s'opérer par 
le biais d'un assouplissement de la politique monétaire, et cela pour 
plusieurs raisons. 
*{ pagination originale du document: p.174}
 
D'abord, la liquidité du secteur, privé s'est améliorée dans la plupart 
des pays au cours des récentes années, et l'offre de ressources 
financières semble suffisante. Ensuite, une politique monétaire 
expansionniste peut n'entraîner qu'une baisse temporaire des taux d'intérêt 
et, de toute façon, ni les investissements ni la consommation ne 
paraissent réagir fortement à un recul du lover de l'argent. 

Quoi qu'il en suit, le véritable risque ne réside pas dans l'inefficacité 
d'une monétaire plus libérale, mais dans l'intensification. de la 
hausse des prix qui en résulterait. L'opinion publique en est -venue à 
associer l'évolution escomptée des; taux d'inflation à la croissance 
des agrégats monétaires par conséquent, toute politique s'orientant 
durablement vers une expansion monétaire plus rapide serait susceptible 
d'intensifier les anticipations inflationnistes. 

La seconde proposition peut s'énoncer de façon plus positive : 
comparées aux politiques monétaires, les mesures budgétaires de relance 
risqueraient moins, dans les circonstance, actuelles, de susciter des 
réactions compensatrices sur les marchés. Ce danger serait d'autant 
plus réduit que les politiques budgétaires seraient axées davantage sur 
les allégements fiscaux que sur l'accroissement des dépenses publiques, 
l'exception, peut-être, de diverses catégories de dépenses d'investissement 
à rendement élevé et immédiat. Trois considérations étayent ce point de 
vue. Tout d'abord, dans beaucoup de pays industrialisés occidentaux, le 
secteur public occupe désormais dans l'économie une place dont l'importance 
même exerce généralement un effet dissuasif sur la croissance 
économique; de plus, un élargissement des dépenses publiques pourrait 
laisser présager un nouveau tour de vis fiscal, qui ne ferait qu'envenimer 
la situation. Deuxièmement, seul un assouplissement des barèmes de l'impôt 
sur le revenu semble en mesure d'accroître le revenu disponible des 
ménages, de répondre aux aspirations d'amélioration du niveau de vie et 
de stimuler les dépenses de consommation, sans simultanément exacerber 
la pression à la hausse des coûts ni provoquer une nouvelle érosion des 
marges bénéficiaires. Or, compte tenu de la réticence affirmée des 
chefs d'entreprise à développer leurs investissements dans le climat d'incertitude 
actuel, il v a peu d'espoir de parvenir, sans une accélération des 
dépenses des ménages, à susciter une expansion de la demande interne. 
La troisième considération est que des réductions de l'impôt sur les 
bénéfices des entreprises contribueraient à une amélioration hautement 
nécessaire de la situation bénéficiaire de celles-ci et renforceraient, 
ce faisant, la propension à investir. 

La question principale est évidemment de savoir si une telle politique 
est compatible avec la nécessité de réduire encore les taux d'inflation; 
le simple fait de la poser indique déjà les limites auxquelles sont 
manifestement soumises les politiques de stimulation de la demande. 
Comme mentionné précédemment, ces contraintes existent dans les pays où 
la stagnation des investissements a ralenti l'expansion des capacités 
productives. Elles sont encore plus accentuées dans les pays qui n'ont 
réussi que très récemment à freiner l'inflation et où la réapparition 
prématurée de goulots d'étranglement pourrait conduire rapidement à une 
accélération de la hausse des prix. étant donné que la plupart des pays 
se trouvent dans ce dernier cas, les objectifs de croissance du monde 
industrialisé occidental doivent, par la force des choses, demeurer 


modestes. 

Cependant, si l'expansion budgétaire est assurée à un rythme modéré, en 
tenant dûment compte de la solidité de la position extérieure et du 
taux d'inflation de chaque pays, il est peu probable qu'elle déclenche 
une recrudescence de l'inflation par la demande, compte tenu du 
sous-emploi qui caractérise présentement les économies industrielles 
occidentales, à l'exception des États-unis. 
*{ pagination originale du document: p. 175}
 
Dans la mesure où la réduction des taux d'imposition parvient à 
accroître efficacement les dépenses de consommation et, partant, à 
stimuler l'activité, elle pourrait ne provoquer que passagèrement une 
moins-value des rentrées fiscales et un élargissement du déficit du 
secteur public. Et quand bien même ce serait le cas, il y a 
actuellement de fortes chances que, du fait de l'ampleur du revirement 
survenu dans tous les grands pays, sauf aux États-unis, dans le rapport 
épargne/investissement du secteur privé, l'accroissement des besoins de 
financement du secteur public puisse être couvert sans qu'il y ait lieu 
de recourir à un important financement monétaire supplémentaire. C'est 
là finalement que se situe le coeur du problème, vu sous l'angle des 
anticipations inflationnistes et de la gestion de la demande. Il 
convient toutefois d'ajouter que, une fois amorcée une reprise 
vigoureuse des investissements dans le secteur privé, les besoins de 
financement des déficits du secteur public pourraient ne plus être 
couverts aussi largement à l'aide des excédents financiers du secteur 
privé. Il serait donc bon de faire en sorte que les mesures d'allégement 
fiscal visant à porter remède à la situation actuelle d'insuffisance de 
la demande puissent être rapportées dès que cette situation aura 
disparu. 

La question de savoir comment il faut s'attaquer à la spirale des coûts 
et des prix reste entière. On commettrait une grave erreur en ne tenant 
pas compte de la vigueur fondamentale de ces pressions inflationnistes, 
étant donné qu'elles risqueraient, si elles persistaient, de stopper 
prématurément toute reprise de la croissance. Malheureusement, il n'existe 
pas de recette miracle dans ce domaine, et il ne fait aucun doute que 
c'est à chaque pays de mettre en ouvre les moyens d'action qui 
correspondent â sa propre situation politique, sociale et 
institutionnelle. L'expérience prouve qu'il en va tout spécialement 
ainsi des politiques de revenus dont les modalités d'application et l'efficacité 
ont considérablement varié d'un pays à l'autre. D'un autre côté, la 
réduction des barèmes de l'impôt sur le revenu devrait ouvrir la voie à 
une plus grande modération en matière de salaires, puisqu'elle offre 
une solution de rechange pratique à l'augmentation des rémunérations 
avant de impôt. De même, la publication d'objectifs de croissance des 
agrégats monétaires et l'obtention de résultats satisfaisants en ce qui 
concerne leur réalisation créent un climat favorable à une modération 
des revendications salariales et des hausses de prix. 

Cet ensemble de propositions de politique économique - réduction de la 
facture pétrolière, action de relance concertée à l'échelle 
internationale axée sur la diminution des taux d'imposition et 
poursuite de la lutte contre l'inflation - pourrait contribuer à 
réactiver la croissance. Il permettrait également de ramener les 
déséquilibres des paiements courants à un niveau supportable, ce qui 
signifie que, avec l'adoption de mesures appropriées concernant les 
mouvements de capitaux, la disponibilité de moyens de financement à 
court terme et l'approvisionnement en réserves internationales, les 


déséquilibres restants ne constitueraient plus une source importante d'agitation 
monétaire et n'engendreraient plus des politiques d'ajustement exerçant 
des effets dépressifs asymétriques. Autrement dit, les politiques de 
financement des balances de paiements retrouveraient leur fonction 
normale qui est de compléter et de faciliter l'ajustement des paiements 
courants plutôt que de se substituer à ce processus. 

L'expérience de ces dernières années montre en effet clairement que, 
mis à part le transfert traditionnel de ressources réelles des pays 
hautement développés -vers les pays en développement, la persistance d'importants 
déséquilibres courants aboutit en dernier ressort à une pénible 
confrontation avec la réalité, soit pour les pays déficitaires, soit 
pour les pays excédentaires, soit pour les deux à la fois. 
*{ pagination originale du document: p.176}
 
Si on peut admettre que la situation des paiements courants dans le 
monde est en vole d'amélioration, que peut-on dire du rôle qui revient 
aux politiques monétaires et financières au niveau international? 

Une première remarque concerne l'aide et les flux de capitaux à long 
terme à destination des pays en voie de développement. Comme mentionné 
précédemment, un déficit modéré de la balance des paiements courants de 
ces pays constitue l'une des caractéristiques normales de la structure 
internationale des échanges et des paiements. Ce qui l'est moins, c'est 
que les prêts bancaires à moyen terme, souvent assortis de taux, d'intérêt 
variables, contribuent de plus en plus à financer ces déficits. Un tel 
financement se traduit pour les pays concernés par des charges 
annuelles élevées et imprévisibles au titre du service de la dette; en 
outre, il accroît de plus en plus la vulnérabilité des banques 
prêteuses elles-mêmes à l'égard des risques par pays. En règle générale, 
les moyens de financement devraient être constitués en majeure partie 
d'aide, de prêts à long terme et d'investissements directs. 

Une deuxième préoccupation a trait à la position extérieure des 
États-unis. Le déficit excessif accusé l'an passé par la balance des 
paiements courants a été sérieusement aggravé par les sorties de 
capitaux, d'où une chute accélérée du dollar et une vaste agitation 
monétaire, en dépit d'acquisitions considérables de dollars par les 
banques centrales étrangères. Certes, si des mesures correctrices 
appropriées sont prises maintenant, tant aux États-unis que dans les 
autres pays, il se peut que la contraction du déficit des paiements 
courants fasse à elle seule refluer les capitaux privés vers les 
États-unis. Il est possible par ailleurs que les capitaux privés 
retournent vers les États-unis si des perspectives optimistes se font 
jour sur l'adoption de telles mesures; à en juger par le redressement 
du dollar en avril et en mai de cette année, on peut même penser qu'un 
revirement de cette nature s'est déjà produit. À l'effet cependant de 
conserver la maîtrise des flux de capitaux et pour renforcer la 
crédibilité de ces mesures d'ajustement fondamentales, les autorités 
devront maintenir les écarts de taux d'intérêt et les taux de 
croissance des agrégats monétaires à des niveaux appropriés et se tenir 
prêtes à intervenir activement sur les marchés des changes au cas où le 
besoin s'en ferait à nouveau sentir. 

Un troisième et important aspect de la politique économique concerne l'adéquation 
du volume et de la composition de la liquidité internationale. Le fait 
que tant de pays aient entrepris délibérément de renforcer leurs 
réserves en recourant à l'emprunt pourrait donner à penser qu'on se 
trouve en présence d'une demande authentique de réserves additionnelles. 


Il faut toutefois noter que cette demande a en partie porté sur des 
actifs de réserve libellés en devises autres que le dollar. Laisser 
subsister un déficit élevé de la balance des paiements courants des 
États-unis constituerait à coup sûr une réponse erronée à cette demande 
à double dimension, car on ne peut créer de cette façon d'importantes 
quantités de réserves sans mettre le dollar lui-même en péril et, 
partant, sans renforcer le désir de diversification. Ainsi, cinq années 
après l'effondrement du système de Bretton Woods, il semble que nous 
nous retrouvions 
*{ pagination originale du document: p.177}
 
au -même point qu'à l'époque des parités fixes: nous nous apercevons 
que l'approvisionnement en réserves par l'intermédiaire d'un déficit 
élevé de la balance des paiements courants des États-unis est de nature 
à exercer de dangereux effets déstabilisateurs sur la croissance de l'activité 
mondiale.